ODD 5 au Cameroun
Le mouvement pour l’autonomisation et l’indépendance des femmes au Cameroun,
et l’amélioration de leur statut politique, social, économique et sanitaire, a parcouru
un long chemin, mais est encore loin d’atteindre la destination prévue. La
discrimination entre les filles et les garçons, les femmes et les hommes reste un
obstacle majeur au développement humain au Cameroun.
La population du Cameroun est actuellement estimée à 24,6 millions d’habitants,
dont plus de 55% résident dans des zones urbaines et semi-urbaines. Selon l’indice
de développement humain (IDH) 2020 du PNUD, la valeur de l’IDH du Cameroun en
2019 était de 0,563, ce qui place le pays dans la catégorie de développement
humain faible, le positionnant à 153 sur 188 pays et territoires. Entre 1990 et 2019,
la valeur de l’IDH du Cameroun est passée de 0,448 à 0,563, soit une augmentation
annuelle moyenne d’environ 0,79 %. En 2020, l’indice d’inégalité de genre du
Cameroun était de 0,560 et le pays était classé 141 sur un total de 188. Le ratio de
l’indice de développement de genre (IDG) des femmes par rapport aux hommes était
de 0,864.
Source : http://hdr.undp.org/en/content/latest-human-development-index-ranking
L’ODD5 vise à encourager l’égalité des chances entre les hommes et les femmes
dans le développement économique, à éliminer toutes les formes de violence à
l’égard des femmes et des filles, y compris le mariage précoce et forcé, et à
promouvoir des opportunités équitables de participation à tous les niveaux. Lors de
son examen national volontaire des ODD en juin 2019, le Cameroun a résumé la
mise en œuvre de l’ODD5 au niveau national en cinq points principaux :
● Cible 5.1 : Mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes et des filles.
● Cible 5.2 : Éliminer toutes les formes de violence à l’égard des femmes et des
filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et autres formes
d’exploitation, dans la vie publique et privée.
● Cible 5.3 : Éliminer toutes les pratiques nuisibles, telles que le mariage des
enfants, le mariage précoce ou forcé et les mutilations génitales féminines.
● Cible 5.4 : Prendre en compte et valoriser les soins non rémunérés et le
travail domestique, par la fourniture de services publics, d’infrastructures et de
politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités
au sein du ménage et de la famille, selon le contexte national.
● Cible 5.5 : Assurer la participation pleine et effective des femmes et l’égalité
d’accès aux postes de responsabilité à tous les niveaux de décision de la vie
politique, économique et publique.
Au vu de la stratégie nationale, le pays est loin d’atteindre ces principaux défis d’ici
2030.
Cible 5.1 : Mettre fin à toutes les formes de discrimination à l’égard des
femmes et des filles.
Le rapport « Données sur l’égalité des sexes au Cameroun », publié par le Projet de
capacité de veille sur le genre (GenCap) en 2019, indique que 51,5% des femmes
au Cameroun vivaient sous le seuil de pauvreté cette année-là. 79,2% d’entre elles
étaient sous-employées.
Le taux de mortalité maternelle était de 782 pour 100 000 naissances vivantes et le
taux d’adolescentes âgées de 15 à 19 ans donnant naissance à un enfant était de
105,8 pour 1000 en 2019.
En 2018, 67,35% des personnes vivant avec le VIH étaient des femmes. Les
nouvelles infections au VIH chez les jeunes femmes âgées de 15 à 24 ans étaient
plus de deux fois supérieures à celles des hommes.
Sources :
https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/data_on_gender_equality_in_ca
meroon-hno_2020-17_oct_19.pdf ;
http://unaids.mio.guru/en/regionscountries/countries/cameroon
Sans surprise, le pays occupe donc la 141e place parmi les 189 pays classés en
fonction de leur niveau d’inégalité entre les sexes. L’indice d’inégalité révèle des
disparités importantes dans les trois dimensions clés du développement humain : la
santé reproductive, l’éducation et l’accès à l’emploi.
Cible 5.2 : Éliminer de la vie publique et privée toutes les formes de violence à
l’égard des femmes et des filles, y compris la traite et l’exploitation sexuelle et
autres formes d’exploitation.
Selon Delphine Brun, conseillère inter-agences GenCap pour le Cameroun, 43,2%
des femmes en union ont fait face à des violences domestiques en 2019. 39,8% et
14,5% ont respectivement fait face à des violences émotionnelles et sexuelles. Au total, 56,4% des femmes au Cameroun ont été confrontées à au moins une de ces
formes de violences.
https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/data_on_gender_equality_in_ca
meroon-hno_2020-17_oct_19.pdf
Cible 5.3 : Éliminer toutes les pratiques néfastes, telles que le mariage des
enfants, le mariage précoce ou forcé et les mutilations génitales féminines.
Des progrès ont été réalisés pour prévenir les différentes formes de violence à
l’égard des femmes et des filles : criminalisation des pratiques de mutilation génitale
féminine par le code pénal (loi 277-1), âge légal du mariage à 18 ans pour les
hommes et les femmes. Pourtant, des inquiétudes subsistent quant au contenu et à
l’efficacité de la législation destinée à prévenir les violences sexuelles et à assurer
protection et justice aux victimes.
Mis à jour en 2016, le Code pénal donne désormais les mêmes droits aux hommes
et aux femmes d’intenter une action en divorce. Dans la pratique, cependant, les
tribunaux sont dominés par les hommes, qui peuvent porter atteinte aux
considérations de genre, notamment en allongeant les procédures et en rendant la
procédure inabordable pour les femmes. Le code pénal criminalise également le
mariage précoce et forcé des enfants et exige le consentement comme condition du
mariage, tout en précisant que le consentement ne peut être obtenu par la force.
Toutefois, l’ordonnance sur l’enregistrement de l’état civil au Cameroun autorise le
mariage des filles de moins de 15 ans si, pour « des raisons sérieuses, une
dérogation a été accordée par le président de la République ».
La loi camerounaise – l’article 52 de l’ordonnance n° 81-02 du 29 juin 1981 relative à
la fonction publique – stipule : « Aucun mariage ne peut avoir lieu si la fille est âgée de
moins de 15 ans ou le garçon de moins de 18 ans, sauf dérogation accordée par le
président de la République pour un motif grave. »
Source : https://unfoundation.org/blog/post/ending-inequality-women-cameroon/
Cible 5.4 : Prendre en compte et valoriser les soins non rémunérés et le travail
domestique, par la fourniture de services publics, d’infrastructures et de
politiques de protection sociale et la promotion du partage des responsabilités
au sein du foyer et de la famille, selon le contexte national.
Les femmes consacrent en moyenne 8,2 heures de plus par semaine que les
hommes aux tâches ménagères non rémunérées.
Source :
https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/data_on_gender_equality_in_ca
meroon-hno_2020-17_oct_19.pdf
Cible 5.5 : Assurer la participation pleine et effective des femmes et l’égalité
d’accès aux postes de responsabilité à tous les niveaux de décision de la vie
politique, économique et publique.
Bien que la représentation politique des femmes à l’Assemblée nationale du
Cameroun ait augmenté (31% en 2021 contre 8,9% en 2007), la participation
politique des femmes reste globalement faible.
● 31% des membres du parlement seront des femmes en 2021.
● 71,6% des travailleurs du secteur agricole informel étaient des femmes en
2019.
● 32,5% des femmes de plus de 25 ans avaient un certain niveau d’éducation
secondaire (39,2% pour les hommes) en 2019.
● 16,8% des femmes ont bénéficié d’un crédit pour tout usage en 2019.
Selon le rapport GenCap, 3% des femmes possédaient une maison sans titre de
propriété et 1,6% possédaient un titre de propriété à leur nom en 2019. Bien que le
décret n° 76/165 du 20 avril 1976, modifié et complété par le décret n° 2005/481 du
16 décembre 2005, établisse un cadre juridique qui garantit aux femmes les mêmes
droits que les hommes en termes d’accès à la propriété ou au contrôle des terres, il
ne fournit pas de base pour l’accès des femmes à la terre.
Sources :
https://reliefweb.int/sites/reliefweb.int/files/resources/data_on_gender_equality_in_ca
meroon-hno_2020-17_oct_19.pdf
https://www.idea.int/sites/default/files/publications/womens-political-participation-afric
a-barometer-2021.pdf
https://unfoundation.org/blog/post/ending-inequality-women-cameroon/
Malgré le rapport peu encourageant sur les réalisations des ODD au Cameroun, il
faut reconnaître que de nombreuses actions sont menées tant par le gouvernement que par la société civile pour répondre aux attentes de l’ODD5 et assurer une plaine
émancipation des femmes.
Des engagements internationaux majeurs à travers l’égalité et l’émancipation des
femmes : Le Cameroun a réalisé des avancées majeures en matière d’égalité et
d’autonomisation des femmes grâce à des engagements internationaux majeurs
visant à faire progresser les droits des femmes et à lutter contre les discriminations
dont elles sont victimes, tels que :
● le BPFA en 1995
● la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948)
● la CEDAW, Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination
à l’égard des femmes (1979)
● les Stratégies prospectives d’action de Nairobi pour la promotion de la femme
(1985)
● la déclaration et le programme d’action de Vienne (1993), et la déclaration du
Caire sur la population et le développement (1994)
● la déclaration et le programme d’action de Pékin, la déclaration des chefs
d’État et de gouvernement de l’Union africaine sur l’égalité entre les femmes
et les hommes, et les objectifs de développement durable.
Cependant, bien que ces engagements internationaux et régionaux priment sur les
lois, coutumes et traditions nationales du Cameroun, la discrimination à l’égard des
femmes se poursuit au Cameroun, en particulier dans les zones rurales. De
nombreuses questions concernant la fin des inégalités auxquelles les femmes sont
confrontées restent en suspens, comme la reconnaissance du viol entre mari et
femme, la protection des femmes au chômage, la pension des veuves, la poursuite
du mariage des enfants, le repassage des seins, etc.
L’éducation formelle des femmes : En tant qu’instrument important
d’autonomisation et de développement, l’éducation est l’un des moyens les plus
importants pour donner aux femmes les connaissances, les compétences et la
confiance en soi nécessaires pour participer pleinement au processus de
développement. L’accès à la formation professionnelle est aujourd’hui une clé
d’entrée dans le monde du travail et aussi une base pour l’indépendance financière.
Bien que le code pénal camerounais prévoie des moyens de recours pour les
enfants non scolarisés, il n’existe aucun mécanisme de suivi des filles, qui sont
généralement plus touchées par la non-scolarisation et l’abandon scolaire. En outre,
les filles qui ne peuvent pas se permettre de suivre un enseignement secondaire ne
sont soutenues d’aucune manière par l’État.
Soutien juridique : En ce qui concerne le soutien juridique aux femmes, la loi
camerounaise reconnaît le droit à l’assistance juridique pour toutes les personnes
sans emploi et sans ressources, ou celles abandonnées par leur conjoint. Le
ministère de l’autonomisation des femmes et de la famille se concentre
principalement sur les femmes des villes urbaines et semi-urbaines, où il dispose de
bureaux, et néglige les femmes rurales, qui constituent la majeure partie des
femmes aux moyens financiers limités.
L’état de droit et la mise en œuvre des politiques font avancer le Cameroun dans la
bonne direction et vers la fin des inégalités envers les femmes. Mais nous devons
améliorer la sensibilisation et la responsabilisation. Les lois doivent être comprises
au niveau local et accompagnées de programmes ruraux significatifs pour garantir
que nous ne laissons pas les femmes rurales pour compte.
Source : https://unfoundation.org/blog/post/ending-inequality-women-cameroon/
Société civile, Femmes en action.
ONU Femmes Cameroun renforce les capacités des partenaires : Gouvernement
(Ministère de la Promotion de la Femme et de la Famille, Ministère de l’Economie,
de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, Ministère de la Santé,
Ministère du Commerce, Commission Nationale des Droits de l’Homme et des
Libertés, Elections Cameroun) ; et ONG (OSC, médias, partis politiques) pour
l’institutionnalisation du genre. ONU Femmes Cameroun travaille sur quatre thèmes :
Leadership et participation politique, Autonomisation économique, Violence contre
les femmes, et Planification et budgétisation nationales.
Programmes actuels au Cameroun :
● Le Programme des femmes impliquées dans le commerce informel
transfrontalier (PAFICIT).
● La prévention et la prise en charge des victimes de violences basées sur le
genre par la mise en place d’un One Stop Center.
● H6 / AIDS Collaboration on Accelerating Progress in Childhood, Newborn and
Child Health Fonds pour l’égalité des sexes
● Projet UNGTG sur le genre (groupe thématique des Nations unies sur le
genre)
Source :
https://africa.unwomen.org/en/where-we-are/west-and-central-africa/cameroon
Women for a Change Cameroon, une organisation féministe, est également
impliquée dans le travail de plaidoyer et la promotion des droits des filles en
s’attaquant à la violence basée sur le genre, en approfondissant les connaissances
en matière d’éducation sexuelle et en fournissant des programmes de leadership
pour les filles au Cameroun.
Source : https://wfaccameroon.org/
Résumé
Les données présentées dans ce rapport montrent que malgré certains progrès, des
changements de grande ampleur sont nécessaires au Cameroun pour atteindre les
cibles de l’ODD 5 jusqu’en 2030. Comme le temps presse, le gouvernement
camerounais doit redoubler d’efforts à plusieurs niveaux : Il faut trouver des moyens
plus efficaces pour mettre fin à la discrimination, à la violence domestique et aux
pratiques néfastes à l’encontre des femmes et des filles. Des moyens politiques
permettant de valoriser les soins non rémunérés et le travail domestique doivent être
mis en place, tandis que la participation des femmes et l’égalité d’accès aux postes
de direction doivent être garanties.