L’histoire tumultueuse de la colonisation en Afrique a laissé des cicatrices profondes dans les tissus sociaux, culturels et économiques du continent. Si les conséquences de la colonisation sur la politique et l’économie africaines sont souvent discutées, un aspect essentiel et pourtant souvent négligé de cet héritage est son influence sur les habitudes alimentaires de la population autochtone. La colonisation dont le continent a été victime pendant des siècles, a entraîné des transformations radicales dans la manière dont les Africains se nourrissent, marquant un point de départ dans l’évolution des régimes alimentaires qui perdure jusqu’à nos jours. Cela montre bien qu’au-delà des humains qui étaient exportés et déportés dans cette période, des richesses culinaires aussi étaient pillées et nous revenaient comme de nouveaux concepts promus par l’Occident.
Quels sont les impacts de la colonisation sur l’art culinaire africain ? Quels sont ces concepts ? Comment les habitudes alimentaires ont-elles évolué en Afrique de la période précoloniale à celle postcoloniale ?
Impact de la colonisation sur les habitudes alimentaires des peuples africains.
Les impacts de la colonisation aujourd’hui ne se ressentent pas seulement au niveau politique, financier ou institutionnel mais aussi et surtout aux niveaux social, culturel et culinaire. Ce dernier volet représente l’une des marques principales d’un État ou d’un peuple et par lequel ce dernier s’identifie. Dans la réappropriation des richesses culinaires africaines par les colons, on peut noter un changement des noms d’origine de certains produits en nom scientifique qui empêche aujourd’hui certains peuples de s’identifier ou de se reconnaître dans tel ou tel produit. Nous pouvons prendre l’exemple du manguier qui a pendant longtemps attribué à des origines occidentales alors qu’il est un produit d’origine exotique, ou encore l’arachide, également connu sous le nom de cacahuète, cultivé en Afrique de l’Ouest plus précisément au Sénégal, en Gambie et au Mali, qui dans la période coloniale a été exporté par les colons et est devenu une des cultures de rente dans les régions tropicales et subtropicales. La nomenclature botanique imposée n’a donc fait qu’accentuer la dominance de la vision européocentrique sur la botanique africaine et de ce fait l’art culinaire africaine.
Un autre exemple non négligeable est celui de l’huile de palme, longtemps utilisé par nos parents, grands-parents en Afrique et qui a été déclaré nuisible à la santé par plusieurs laboratoires occidentaux et contre laquelle des campagnes anti palme ont été menées par de grandes firmes européennes. Tout ceci dans l’optique de pouvoir apporter sur les marchés africains de nouvelles huiles dites “saines” mais dont la production provient de l’Europe. Ainsi la diabolisation de plusieurs habitudes alimentaires par le colon à fortement impactés les goûts et l’art culinaire africains.
Comment cette vision Européo-centrique a-t-elle agit sur l’évolution des habitudes alimentaires en Afrique ? Qu’est-ce que le véganisme et quelles sont les idées derrière ce concept ?
Le vegan ou le véganisme : Un concept nouveau en Afrique ?
Le véganisme alimentaire, défini comme un mode de vie qui supprime la consommation de tout aliment d’origine animale est un choix de consommation qui se veut engagé et conscient en choisissant les alternatives végétales dans tous les aspects de leur vie. Ce concept tend à faire l’unanimité aujourd’hui de part l’Europe et a tendance à passer pour un concept nouveau auquel le monde est invité à se joindre. Le vegan est-il vraiment un concept nouveau en Afrique ? Une question qui du moins trouve sa réponse dans les habitudes culinaires précoloniales des pays africains. Habitudes, qui, pour la plupart, sont toujours d’actualité dans plusieurs régions en Afrique.
En effet, bien avant la colonisation, les peuples africains vivaient des produits qui leur étaient offerts par Dame Nature mais aussi aux moyens de production agricole tels que l’élevage, la production végétale. Les peuples se nourrissaient donc de produits qu’ils cultivaient eux-mêmes dans leurs champs ou dans leurs plantations, les transformaient pour ensuite les consommer et les commercialiser. Le secteur le plus rentable, dans le temps, était donc le secteur agricole et les cultivateurs se nourrissaient des produits qu’ils cultivaient eux-mêmes et jouissaient pleinement de la commercialisation de leurs produits. Ainsi, ils semaient, récoltaient, transformaient, commercialisaient et consommaient les produits venant de leurs plantations. Dans le même temps, le travail d’équipe était aussi un mode de vie et il permettait aux peuples de rester unis, partager les mêmes valeurs et les transmettre plus facilement aux générations futures.
Nombreuses sont ces pratiques dans le domaine culinaire qui aujourd’hui paraissent comme nouvelles mais qui, en effet, existent dans les communautés africaines. Comme par exemple les nombreux modes de cuisson tels que la cuisson à l’étouffée, la cuisson au four, le rôtissage, la cuisson à la vapeur et la cuisson en plein air. Une grande variété d’épices, d’herbes et de condiments pour rehausser la saveur de leurs plats. De plus, des méthodes de conservation des aliments comprenaient le séchage, le fumage, la fermentation et la salaison étaient pratiqués. Dans de nombreuses cultures africaines traditionnelles, les aliments végétaux tels que les céréales, les légumineuses, les fruits et les noix constituaient une part importante de l’alimentation de base. Certaines sociétés, en particulier celles qui vivaient près des régions côtières, pratiquaient la pêche et incluaient du poisson dans leur alimentation.
C’est l’exemple, dans bon nombre de pays africains comme le Bénin, des repas qui étaient essentiellement faits de légumes ( différents types de légumes cuisinés appelés Man ), de amylacés et de tubercules comme le Tévi ( igname ) et le Dokoui ( patate douce ). En faisant un tour au Cameroun, on peut donner l’exemple du mintoumba, un gâteau traditionnel du peuple Bassa fait à base de manioc frais fermenté et de l’huile de palme rouge qui fait la fierté de la gastronomie camerounaise.
En plus de cet attachement aux repas locaux, il existait des totems, des interdits sur la consommation de tout produit d’origine animale. Dans certaines coutumes pour des rituels, des plats végétariens sont préparés spécialement pour l’événement. C’est l’exemple au Bénin du Zankpiti, un repas fait à base de haricots qui était cuisiné et consommé uniquement à la sortie du Zangbéto une divinité, pour le vénérer et l’accompagner dans ses œuvres.
Il est important de noter que les motivations du véganisme, telles que le bien-être animal, la durabilité environnementale et la santé personnelle étaient les mêmes facteurs qui soutenaient le choix des habitudes alimentaires de plusieurs régions, familles en Afrique qui ne se nourrissaient que des produits issus des plantes. Le constat est donc que le concept de vegan était déjà un mode de vie en Afrique que pratiquait plusieurs communautés.
Comme le véganisme,plusieurs concepts ayant existé en Afrique et qui existent toujours, sont développés en Europe et reviennent en Afrique, présentés comme de nouveau concept et mode de vie inventé par l’Europe et qui doivent être suivis pour des objectifs de développement durable tout ceci à cause des principes de Structures de Pouvoirs existant depuis la période coloniale.
Il faudrait que nous arrêtions de nous leurrer et de nous laisser berner car aucun développement ne sera durable si des peuples se permettent de marcher sur d’autres et de les opprimer. A nous de revendiquer le respect de nos idées et de nos valeurs.
rédigé par Amour AGON DJOSSOU.