C’est fou comme la technologie, au fil des années, a réussi à nous enlever ce qu’était autrefois notre joie de vivre. Vous souvenez-vous de ces jeux qui ont fait de votre enfance une période magique?
Comme nous le savons si bien, le jeu est une activité physique ou psychique qui a pour but primaire de procurer du plaisir. Tout enfant en général adore jouer : c’est instinctif et naturel. Un parent s’inquiète même quand son enfant ne joue pas souvent ou porte peu d’intérêt aux jeux. Le jeu est un facteur prépondérant dans la croissance de l’enfant. Il participe à son épanouissement sensoriel, intellectuel, social et à la construction de sa personnalité. Malheureusement au fil des générations, les jeux ont été numérisés et ont évolué en changeant de forme et surtout d’objectif voire de but. La technologie et l’internet ont colonisé les joueurs, les poussant à abandonner les jeux de société, de proximité et d’échange pour des jeux virtuels joués pour la plupart en solo au risque même d’oublier l’essence initial du jeu : le partage du plaisir. Que c’est dommage !
En Afrique d’antan, avant l’air de l’internet ou de la technologie, les jeux naissaient de la créativité et du contact humain. Ils permettaient aux enfants de se réunir, de s’amuser, de s’aider, de se supporter, de se confronter, de se forger et de grandir ensemble. C’est pourquoi les sociétés traditionnelles africaines avaient toujours priorisé et valorisé le groupe, l’ensemble, la communauté, le « Nous ».
Il faudrait surtout reconnaître qu’au Bénin et en Afrique, avant l’avènement des jeux électroniques, les enfants africains se réunissaient autour de plusieurs jeux très constructifs, éducatifs et surtout très socialisants : des mots qui décrivent si bien notre Afrique.
Permettez-nous de rappeler quelques jeux qui ont fait de l’enfance de bien d’enfants africains, une période unique. Cette dernière a forgé leur personnalité tout en jouant jusqu’à ce jour un rôle essentiel dans la confection partielle de leurs valeurs et principes de vie.
Si vous faites partie de cette génération d’enfants, ne nous dites pas que vous avez oublié le cerf-volant ? Sa fabrication demandait beaucoup d’attention, de patience et d’entraide. C’était en particulier le moment pour l’enfant de montrer son talent créatif et aéronautique de l’époque. L’objectif étant de réaliser le meilleur du point de vue qualité, performance et endurance. Le cerf-volant permettait de confronter les meilleures fabrications. Ceci crée l’esprit de compétition entre les enfants et active leur créativité avec les moyens de bord.
En outre, rappelez-vous du football de quartier où tout espace pouvait servir d’aire de jeu… Ah oui ! Et quand nous parlons de ballons, le modèle est parfois bien loin de celui de la FIFA. Donc comprenez que ce qui faisait la beauté et l’originalité du foot, c’est que tout pouvait servir de ballon rond. Le recyclage et l’ingénierie étaient au rendez-vous. Les balles de tennis, les cartons, les chiffons, les feuilles de cahier enrôlées de scotch etc. pouvaient faire office de ballon de football. Le ballon était conçu par les joueurs et tout était mis en œuvre de la part des différentes équipes pour assurer sa performance et sa durabilité sur le terrain, durée de vie qui peut bien sûr être de quelques heures ou jours. Il faut noter que cela n’empêchait pas le respect des principes de jeu. Tout était mis en place et chacun prenait son rôle au sérieux. La perception du football était donc différente de celle d’aujourd’hui. Le petit africain ne voulait que passer du temps avec les siens. À l’époque seuls les garçons y jouaient. Au fil des années, l’émancipation des filles les conduit sur les aires de jeu du football. Cependant elles avaient aussi leur espace à elles. Pour la petite fille, les jeux de clair de lune dont la claquette est un jeu de compétition et d’affrontement entre au moins deux filles ou deux groupes de filles. Encore appelée Bountù en langues fon et bariba au Bénin, la claquette devient plus intéressante quand le nombre de participantes dépasse deux. La stratégie étant de deviner les mouvements de pieds de son adversaire pour gagner. Ce jeu était un moment de taquinerie entre filles mais aussi d’agilité et d’anticipation . Ce qui était surtout original c’était l’ambiance au rythme de chansons que fredonnaient les filles. Le Bountù développe chez les joueuses la complicité, l’entraide, la patience, la joie de vivre, la solidarité et le stratège. Ce jeu est souvent organisé pendant la récréation et en sortie de classe. Ah bien de dames se rappellent certainement des longs moments de jeux pour lesquels des heures d’apprentissage ont été sacrifiées.
La variété de jeux est telle qu’il nous est impossible de les développer tous ici. Aussi, beaucoup de nos lecteurs et lectrices de l’époque confirmeront que de leur environnement socio-culturel d’avant dépendaient des jeux qu’ils/elles jouaient étant enfants. Ces jeux de société qui ont l’air simple et banal participent en grande partie à la socialisation de l’enfant. L’enfant indépendamment de ses parents crée des liens sociaux, renforce son appartenance à un groupe, est sportif et développe le sens de communauté et de compétition. Qu’il nous en souvienne dans “L’enfant noir “ de Camara Laye l’auteur raconte très bien les joyeux moments passés en dansant, en nageant, en chassant en allant aux champs avec ses amis dans un village de Guinée. Le quotidien de la plupart des enfants de l’époque ; pour ne pas dire de tous les enfants de l’époque. Cela va de soi, qu’en grandissant, ces moments forgent la personnalité de l’enfant devenu adulte, lui servent d’appui et expliquent probablement le faible taux de suicide à l’époque dans notre belle Afrique.
Hélas, revenons à la réalité ; ces jeux disparaissent en laissant place aux tablettes, aux jeux vidéos ou encore à des jeux de guerre sur Internet. C’est triste mais il faut l’accepter. Aujourd’hui comme cadeaux de fête, les enfants reçoivent des véhicules, des armes de combat, des livres de contes qui racontent des réalités d’Europe et d’ailleurs. Tout ceci incite l’enfant à rejeter sa culture, à des vices imaginables, à la solitude. Les enfants aujourd’hui n’ont d’yeux que pour un monde virtuel avec des histoires bien sûres extraordinaires et souvent sans instructions. Mais comme l’a dit Chimamanda Ngozi Adichie “ …tous les livres que j’avais lu comportaient des personnages étrangers, j’avais développé la conviction que les livres, par leur nature même, devaient présenter des étrangers, et se devaient de parler de choses avec lesquelles je ne pouvais pas m’identifier”…”Mais le corollaire involontaire de ces lectures était que j’ignorais que des gens comme moi pouvaient exister dans la littérature.” L’ouverture au développement d’un monde imaginaire chez l’enfant pour élargir sa créativité ne devrait donc pas exclure l’incitation à la participation à une vie commune pleine d’échanges et d’activités communautaires. Ceci permet de créer l’équilibre entre l’imaginaire et le réel afin que l’enfant ne grandisse pas seulement dans l’imaginaire. Aussi, comme l’a si bien souligné Chimamanda Ngozi, cela permet à l’enfant de se découvrir et de se forger une identité. Malheureusement, les enfants restent aujourd’hui des heures devant les téléphones ou autres gadgets sur lesquels ils jouent seuls ou avec des partenaires virtuels. Le virtuel prend le dessus sur le réel et devient le facteur unique qui forge l’identité de l’enfant. Que peut-on attendre d’un enfant qui n’a connu que la solitude ? Certains parents s’étonnent du comportement agressif, voire égoïste de leurs enfants.
Combien d’enfants aujourd’hui peuvent participer à ces différents jeux qui représentent fièrement notre culture africaine ? Les jeux de société n’ont plus la part belle comme c’était le cas il y a encore des années. Ces jeux se pratiquaient en groupe ou à tour de rôle, prônant pour l’occasion, la loyauté, le sens de l’équipe, du partage et du bon vivre ensemble.
L’autre aspect très important de ces jeux, c’est qu’ils ne demandaient aucun moyen financier faramineux contrairement aux jeux numériques. Juste la force physique et surtout, l’envie, la volonté de s’amuser ensemble, d’être heureux ensemble et de partager du bonheur, de créer et d’innover tout en pratiquant sans le savoir diverses activités physiques et sportives. Avec les jeux numériques, c’est à croire qu’il faut s’acheter le bonheur puisque tous les enfants n’ont pas la possibilité d’en avoir, faute de moyens financiers.
Bien sûr, il ne s’agit pas de dire que l’évolution technologique est mauvaise. Mais devrions-nous abandonner ce concept de vie au profit de la technologie ? Ne pouvons-nous pas cumuler tout cela pour individualiser la technologie avec notre ingénierie africaine ?
Alors chers parents et amis dîtes-nous qu’est-ce-que ces jeux ont-ils développé de particulier chez vous ? Est-ce-que ces jeux sont si vieux pour être laissés aux oubliettes ? Que faites-vous pour que les nouvelles générations bénéficient de ces jeux ? Partagez avec nous les jeux que vous aimiez, vos chansons d’enfance préférées et revivez avec nous la nostalgie d’une enfance pleine d’aventures.
Par Nicole AMOUSSOU, Gautier KOUDOGBO & Batista HOUESSOU
Partagez avec nous en commentaire, les jeux qui ont égayé votre tendre enfance. Comment étaient vos moments de jeu au quartier avec les autres enfants ?
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