Le 15 octobre 1987, le capitaine Thomas Sankara, l’illustre président qui a su rebaptisé la Haute Volta, en Burkina Faso, le « père de la révolution burkinabè », devenu depuis une icône de la lutte contre les impérialismes, est tombé dans un assaut orchestré par un commando. Dès lors, l’Afrique perd un de ses piliers. Eh oui, Thomas Sankara était et demeure l’un des socles sur lequel repose l’espoir d’une Afrique indépendante et dépourvue de la suprématie occidentale. Ennemi de l’impérialisme colonial et très attaché à l’indépendance, pas de fait, mais une indépendance réelle de son pays en particulier et de l’Afrique en général, Sankara avait la réputation d’être franc et direct dans ses prises de parole surtout lorsqu’il s’agit de défendre les intérêts de l’Afrique. Appréciez ici son franc-parler quand il déclarait lors de son discours prononcé sur la dette à Addis Abeba le 29 juillet 1987 : “La dette sous sa forme actuelle, est une reconquête savamment organisée de l’Afrique, pour que sa croissance et son développement obéissent à des paliers, à des normes qui nous sont totalement étrangers. Faisant en sorte que chacun de nous devienne l’esclave financier, c’est-à-dire l’esclave tout court, de ceux qui ont eu l’opportunité, la ruse, la fourberie de placer des fonds chez nous avec l’obligation de rembourser. On nous dit de rembourser la dette. Ce n’est pas une question morale. Ce n’est point une question de ce prétendu honneur que de rembourser ou de ne pas rembourser”.
Il instaure ainsi une nouvelle approche de la relation Nord-Sud, une révolution qui perturbe l’ordre international en invitant ses pairs à ne point rembourser une dette dont ils ne sont pas responsables. Il a clairement dévoilé au monde les sacrifices de l’Afrique qui ont permis à l’Europe de faire face aux hordes hitlériennes lorsque leurs économies et leurs stabilités étaient menacées. Qui a sauvé l’Europe ? C’est l’Afrique. Mais personne n’en parle. Il s’était donné pour mission de restituer à l’Afrique son autorité, sa dignité et son indépendance, ce qui n’arrangeait pas les grandes puissances.
Afin de faire face à la menace que représentait le jeune capitaine SANKARA, les puissances coloniales vont user de leurs ressources pour l’éliminer. Pour ce faire, ils feront appel à ses plus proches collaborateurs. 3 mois après son fameux discours à Addis-Abeba en juillet 1987, il sera assassiné.
Trente-cinq ans après sa mort, le souvenir de cet assassinat reste frais dans les mémoires de tous. Aujourd’hui, grâce au combat acharné, à la persévérance de sa femme Mariam SANKARA et de ses avocats, justice est rendue.
Les assassins de Thomas Sankara condamnés à perpétuité par le tribunal militaire de Ouagadougou. Qui l’eut cru ? L’Afrique possède encore une justice au-dessus de la mêlée. C’est un grand pas pour la justice africaine. En effet, au-delà des condamnations et de la justice rendue à la mémoire d’une icône panafricaine, le Burkina Faso a réussi une fois de plus à présenter le pays mais aussi le continent africain résolument engagé à l’auto affirmation à travers ses instruments juridiques. Si autrefois la cours pénale Internationale, un instrument juridique néo-colonial semblait être le seul espace habileté à juger, condamner et à parler pour l’Afrique, 2022 ouvre de nouvelles perspectives et témoigne une fois de plus que l’Afrique peut elle-même de manière impartiale juger condamner et parler pour les africain-es.
Des condamnations lourdes, Blaise Compaoré, un ancien président condamné par contumace à la prison à perpétuité pour sa participation à l’assassinat de son ami et prédécesseur Thomas Sankara, tué avec douze de ses compagnons lors d’un coup d’Etat en 1987. Les juges du tribunal militaire de Ouagadougou sont allés encore plus loin que les réquisitoires du parquet militaire. Le verdict n’a pas épargné le commandant de la garde du président Blaise Compaoré, Hyacinthe Kafando et le général Gilbert Diendéré, un des chefs de l’armée lors du putsch de 1987.
Le cas burkinabè aujourd’hui ne devrait pas être vu comme un cas isolé mais doit servir d’exemple aux gouvernants africains et au peuple qui a soif d’indépendance et de justice. L’écho que trouve ce verdict et le sentiment qui ressort de celui-ci montrent que beaucoup d’Africains, cherchent à comprendre ce qui s’est passé et souhaitent que ce travail fasse date pour construire une réflexion politique autour du renouveau des appareils juridiques en Afrique. Cette situation va nous permettre de sortir des analyses abracadabrantesques qui entourent les assassinats de certains leaders africains qui n’hésitaient pas à montrer et à démontrer leurs rejets de la vision Euro-centrique de l’Afrique ; Positionnement qui leur a valu des destins tragiques.
Aujourd’hui encore l’Afrique est dans l’attente de résolution juridique de nombreux autres crimes toujours non élucidés de certains leaders africains connus, comme le cas de Sylvanus Olympio, Patrice Lumumba, Kwame Nkrumah, Laurent-Désiré Kabila, Ruben Um Nyobe, … Ces crimes, n’ont-ils pas aussi le droit d’être élucidés ? Espérons que la justice ira au-delà des frontières africaines et que les grandes puissances impliquées répondront aussi de leurs actes.
Nous vous proposons de revivre à travers ce court métrage le parcours élogieux de celui que d’aucun ont surnommé le ‘’Che Guevara Africain’’, Thomas Sankara, l’un des personnages marquant de l’histoire contemporaine de l’Afrique . https://youtu.be/ctdGTHsKSXc
Par Idoxine Ahoumenou & Castello ZODO